Sommaire
 
Cas d’application
   
1er alinéa de l’article 14 :
   
« Pour garantir le maintien de l’accès à certains droits liés au contrat de travail, en cas de rupture de celui-ci (1) ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage, un mécanisme de portabilité est, dès à présent, mis en place pour éviter une rupture de tout ou partie de leur bénéfice entre le moment où il est mis fin au contrat de travail du salarié et celui où il reprend un autre emploi et acquiert de nouveaux droits ».
   
L’expression « (…) le moment où il est mis fin au contrat de travail… », est assez malvenue. Littéralement, elle vise la notification du licenciement ou plus généralement la décision de rupture, alors que les partenaires sociaux ont probablement voulu faire courir le maintien de la garantie à compter de la date où le contrat de travail prend fin.
   
C’est d’ailleurs ce qui est prévu dans la suite de l’accord.
   
Toutes les ruptures ouvrant droit à la prise en charge par l’assurance chômage entrent dans le champ d’application du nouveau mécanisme de portabilité. L’idée est de maintenir temporairement la protection sociale complémentaire dont bénéficiait le salarié par le même contrat collectif. Sont concernés par le dispositif, les licenciements (hors licenciements pour faute lourde), les ruptures conventionnelles, les ruptures des contrats d’apprentissage et des contrats de professionnalisation, les ruptures des contrats à durée déterminée d’un commun accord ou à l’initiative de l’employeur. L’échéance du terme des contrats à durée déterminée ainsi que les démissions ouvrant droit à l’assurance chômage, entraîneront également la portabilité(3). Encore faut-il que le salarié remplisse toutes les conditions d’affiliation lui permettant effectivement de bénéficier d’une prise en charge par le régime d’assurance chômage. Il ne suffit pas que la rupture soit de nature à ouvrir droit à l’assurance chômage.
   
Il ressort de ce dispositif que les mandataires sociaux ne pourront pas en bénéficier, sauf s’ils se trouvent dans une situation de cumul contrat de travail – mandat, reconnu valable par l’assurance chômage.

L’exclusion du licenciement pour faute lourde du champ d’application de l’article 14 ANI, va sans doute causer d’importantes difficultés en cas de requalification de la faute lourde en faute grave, voire en licenciement sans cause réelle et sérieuse. En cas de sinistre post-rupture du contrat de travail sans affiliation « article 14 ANI », la responsabilité de l’entreprise risque d’être engagée. La prudence conduira les entreprises à ne pas appliquer cette exclusion, dans la mesure où les conséquences d’une requalification de la faute lourde en faute grave peuvent être importantes : le coût du sinistre, mis à la charge de l’entreprise, peut être considérable et la prestation considérée comme un salaire(4).

Par ailleurs, cette exclusion n’est pas exempte de critiques au regard de la prohibition des sanctions pécuniaires visées à l’article L.1331-2 du Code du travail, selon lequel :
   
« Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.
Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite ».
   
Objet de la portabilité
   
2eme alinéa de l'article 14 :
   
« (…) les intéressés garderont le bénéfice des garanties des couvertures complémentaires santé et prévoyance appliquées dans leur ancienne entreprise (…) ».
   
L’expression « le bénéfice des garanties des couvertures complémentaires… » a une portée très générale, elle est imprécise.

La question peut sérieusement se poser de savoir si elle vise à la fois les garanties prévoyance et frais médicaux résultant des contrats d’assurance et l’obligation de l’employeur de compléter le salaire, en application de la convention collective de branche (mensualisation) ou du statut du personnel de l’entreprise.
   
Il est probable que les partenaires sociaux ont voulu viser le dispositif d’assurance, comme le laissent penser les dispositions du reste du texte sur le financement du système de garantie, la notice d’information, etc. La notion de « couverture » fait référence au vocabulaire utilisé par le législateur dans l’article 1er la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, dite loi « EVIN » qui, en visant les « opérations de couverture », traite des contrats de garanties collectives. Cette expression est reprise au 3ème alinéa. Mais, on a connu des textes plus clairs et plus précis !

Au contraire, les articles L.911-1 et L.911-2 du Code de la sécurité sociale adoptent une conception très extensive de la notion de « garanties collectives de salariés ».

En pratique, peut-on faire varier le droit à portabilité en fonction de la façon dont l’employeur a décidé de gérer son obligation de mensualisation ? Par exemple, dans le cadre de l’application d’une même convention collective, un employeur peut décider de mettre en place un contrat d’assurance incapacité – invalidité – décès, en relais de l’obligation conventionnelle de maintien de salaire. Un autre pourra décider, au contraire, de faire assurer, pour partie, son obligation. Si on considère que le dispositif de portabilité ne s’applique qu’aux droits liés aux contrats d’assurance, dans le premier cas le salarié malade pendant la période dite de mensualisation ne bénéficiera d’aucune portabilité. A l’inverse, dans l’autre cas. Le résultat serait d’autant plus paradoxal que généralement plus l’ancienneté du salarié est importante, plus le droit à complément de salaire direct par l’employeur est long.

Le cas d’un régime « chapeau mensualisation » est également problématique.

Cette question sera réexaminée ci-après, lorsque seront étudiées les conditions d’ouverture du droit à portabilité.

Toutes les garanties complémentaires, prévoyance (y compris la dépendance) et frais médicaux, obligatoires ou facultatives, sont visées par ce dispositif. Les intéressés auront donc droit à la couverture et à la contribution patronale dont ils bénéficiaient au titre de leur contrat de travail.

Pour les garanties complémentaires santé :
   

s’ils bénéficiaient d’une couverture « famille » financée par l’employeur, les garanties maintenues auront la même étendue et l’employeur devra contribuer au titre de la cotisation familiale ;
   

s’ils bénéficiaient d’une couverture « isolé » co-financée et « famille » à leur charge exclusive le texte impose la poursuite de la couverture « famille », l’employeur ne maintenant que la quote-part qu’il acquittait sur la couverture « isolé ».
   
Les changements de la situation familiale de l’intéressé post-rupture du contrat de travail seront pris en compte, notamment pour le calcul des prestations dues en cas de décès.

Les chômeurs vont garder le bénéfice des garanties « … appliquées dans l’ancienne entreprise ». Que va-t-il se passer lorsque l’entreprise va modifier à la hausse ou à la baisse les garanties ? Les nouvelles modalités applicables dans l’entreprise seront-elles appliquées aux bénéficiaires de l’article 14 ANI ? Le texte semble autoriser cette solution. Tout va se passer comme si le chômeur était toujours salarié de l’entreprise, il n’aura ni plus, ni moins de droits que si son contrat de travail n’avait pas été rompu. De même, l’emploi du mot « appliquées », avec un rattachement à la période de chômage, permet de considérer que les modifications à la hausse ou à la baisse, des cotisations pourront être répercutées sur ces anciens salariés ce qui pose des problèmes d’application si la cotisation a été préfinancée.

La résiliation du contrat d’assurance sans solution de remplacement sera également opposable. La garantie du chômeur va disparaître comme celle des salariés actifs (sur les conséquences du non-paiement des cotisations, voir ci-après), sous réserve du maintien des prestations au niveau atteint, en cas de résiliation du contrat d’assurance si le sinistre est intervenu avant la résiliation du contrat de travail(5).

En cas de changement d’organisme assureur les bénéficiaires de l’« article 14 », relèveront du nouveau contrat. Il appartiendra désormais pour établir une tarification aux organismes assureurs de demander à leurs prospects de déclarer le nombre et la situation des anciens salariés relevant de l’article 14, comme ils le font en principe en matière de prévoyance, s’agissant des « sinistres en cours ».

Dans le rapport sur les comptes du contrat par l’assureur remis chaque année, la situation des ex salariés chômeurs pris en charge au titre de l’article 14 devra être clairement identifiée.
 
(2) Rupture non consécutive à une faute lourde.
(3) Dans ce dernier cas, très souvent l’employeur ne saura qu’a postériori que cette démission ouvre droit à portabilité, après décision du Pôle Emploi.
(4) Cass.Ass.Plénière du 26/11/2001 n°99-11.758
(5) Article 7 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, dite loi « EVIN » :
« Lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant son exécution. Le versement des prestations de toute nature se poursuit à un niveau au moins égal à celui de la dernière prestation due ou payée avant la résiliation ou le non-renouvellement, sans préjudice des révisions prévues dans le contrat ou la convention. De telles révisions ne peuvent être prévues à raison de la seule résiliation ou du seul non-renouvellement.
L'engagement doit être couvert à tout moment, pour tous les contrats ou conventions souscrits, par des provisions représentées par des actifs équivalents ».
   
   
   
   
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